Nauetakuan, un silence pour un bruit
Natasha Kanapé Fontaine
Natasha Kanapé Fontaine, poète, interprète, comédienne, artiste en arts visuels est aussi militante pour les droits autochtones pancanadiens (Idle no more) et environnementaux.
Cette implication lui a permis de parcourir le Québec et le Canada. Elle est d'origine Innu. Elle signe ici, avec Nauetakuan, un silence pour un bruit, son premier roman. NAUETAKUAN est un mot innu qui annonce qu'un son, au loin, vient à nous. Comment l'entendre, si tout, dehors comme dedans, vibre, bourdonne, crie? Il faut, oui, faire silence. Monica, perdue dans la ville, cherche sa liberté en même temps que ses liens. Elle étudie l'histoire de l'art, mais ses études ne lui inspirent plus rien. Et le vide menace de l'envahir complètement en fragilisant l'armure qu'elle se construit chaque jour. Pour revenir en paix, chez elle à Pessamit, elle devra déposer son lourd bagage. Elle devra apprivoiser les orages qui grondent en elle.
'' J'aimerais lui dire que j'y arrive tant bien que mal, que je cherche les assises, les repères, les portes. J'aimerais pouvoir toucher la peau du castor une nouvelle fois, sentir la brise se lever tout en recevant l'odeur du feu et de la viande qui grille. Si je ferme les yeux, mon rêve disparaîtra. ''
Nicole Dumont
Comité des femmes
Celui qui veille
Louise Erdrich
Le récit se passe dans le Dakota du Nord en 1953. La bande des Indiens Chippewas de Turtle Mountain est menacée par la loi de «termination», ensemble de dispositions législatives du Congrès américain visant à annuler les traités conclus avec les nations indiennes.
C’est dans le contexte de cette menace, que l’auteure nous fait le récit de l’organisation de la lutte à travers la vie quotidienne ordinaire ou dramatique des membres de la tribu, pauvres mais riches de leurs savoirs anciens.
Leurs actions, leurs réflexions, leurs choix, leurs joies, leurs peines, leurs souvenirs, leurs malheurs nous font comprendre leur motivation à demeurer sur la réserve afin de ne pas se laisser assimiler, fiers de leur appartenance.
Celui qui veille, c’est Thomas Wazhashk, veilleur de nuit dans l’usine de pierres d’horlogerie et président du Conseil consultatif de la Bande des indiens Chippewas de Turtle Mountain, personnage inspiré par le grand-père maternel de Louise Erdrich.
Ce livre m’a captivée par son propos, son actualité et son écriture riche et poétique.
Raymonde Lachapelle
Comité des femmes
Pourquoi les larmes ont-elles le goût salé de la mère ?
Lorraine Pintal
Lorraine Pintal s’offre ce premier roman pour ses 70
ans. J’ai lu cet ouvrage comme on fait un casse-tête. Je
connaissais le thème: un ouvrage à forte teneur
autobiographique. J’avais devant moi 28 morceaux de
2-3 pages qui s’emboîtaient les uns aux autres.
Un public de poupées où Lorraine met en scène sa première création qui est rapidement interrompue par Mère : "tes sœurs ne supportent plus de voir tes maudites poupées entassées sur ton lit".
La vie est une fugue éternelle, une fugue à 15 ans à Percé sur le pouce avec son amie Francine. Au retour Père la reçoit avec "une gifle énorme, puissante qui laisse sur ma joue un tatouage rouge sang". On découvre cependant des morceaux du casse-tête plus faciles à placer.
Dans Les yeux doux de mon père, on est témoin d’une scène remplie de tendresse alors que Père rencontre sa fille pour la première fois : " À pas feutrés, Père s’approche doucement du berceau. Le regard qu’il dépose sur ma fille endormie me traverse comme une caresse".
Après la lecture de ce douloureux portrait de famille, je ne peux qu’admirer davantage cette femme forte qu’est Lorraine Pintal, directrice du Théâtre du Nouveau Monde
Louise Tessier
Comité des femmes
Tiohtia:ke
Michel Jean
Le dernier roman de Michel Jean, Tiohtia:ke est troublant et émouvant à la fois.
Il raconte l'histoire d'Élie Mestenapeo qui sort de prison après avoir purgé une peine de 10 ans de prison pour avoir tué son père, alcoolique et violent. Le Square Cabot, à Montréal, servira de lieu de rassemblement et de rencontres pour les Autochtones qui arrivent en ville et qui vivent dans la rue. Inuits, Innus, Atikamekw, Cris, seront à tour de rôle des amis pour Élie. Il rencontrera à travers sa vie d'itinérant des gens qui l'aideront à s'en sortir et à se reconstruire.
Toujours avec sa belle plume, Michel Jean nous sensibilise une fois de plus à la vie des Autochtones, cette fois-ci, en nous racontant toute la réalité de ceux qui se retrouvent à Montréal pour diverses raisons.
Une belle lecture, avec une fin très surprenante et pleine de rebondissements.
Nicole Dumont
Comité des femmes
Le promeneur de chèvres
Francine Ruel
Gilles, jeune sans-abri frappé par la pandémie, a tout perdu : travail, logement, repères… L’ayant aperçu lors d’un reportage télévisé, son grand-père Henri décide de le retrouver et de l’accueillir dans sa petite ferme en Estrie. D’abord réfractaire au mode de vie de son « Pachou » où le bien-être de ses bêtes prend toute la place, Gillou se contente de dormir et de déguster les petits plats concoctés par Henri. En fier Basque, celui-ci a su garder les saveurs de ses origines et les mettre en valeur dans sa cuisine.
Peu à peu, le jeune homme prendra goût à cette vie simple et le soin des poules et des chèvres viendra meubler ses journées. Par un concours de circonstances, Gilles, l’intrépide guide de voyages, sera désormais le guide de ceux qui voudront, pour un après-midi, se faire promeneur de chèvres.
Au-delà de l’histoire, c’est la prose imagée de Francine Ruel qui nous enchante. Son texte est parsemé de mots et d’expressions empruntés à la langue basque « d’Henriquet » et de citations que celui-ci a puisées dans ses lectures. En effet, Pachou a hérité de l’amour des livres.
Céline Lachapelle
Habiller le coeur
Michèle Plomer
Michèle Plomer est une écrivaine, née à Montréal en 1965. Avec Habiller le coeur, elle signe son septième roman.
Monique a vécu une jeunesse dorée; mariée, elle a eu une vie de famille qui l’a comblée. À 70 ans, elle décide de tout quitter pour aller travailler avec les Inuits du Grand Nord. Sa fille, Michèle, est bouleversée de la voir partir si vite au pays des aurores boréales. Le jazz des années 50 donne son rythme au roman et ajoute une touche de tendresse et d’humour. La vie occidentale nous donne un temps immense à combler après nos années de travail. Monique a décidé de se rendre utile et d’aller aider là où elle compte bien apprendre.
Magnifiquement écrit, Michèle Plomer nous rappelle tout le chemin défriché par nos mères à coups de petits gestes surprenants, novateurs et héroïques. C’est la belle révélation d’une relation mère-fille qui s’enrichira dans l’amour, les hésitations, les craintes et l’acte créatif. Écrit tout en finesse, la relation avec les Inuits est douce, tendre et pleine d’affection. "À l’âge de soixantedix ans, ma mère porte encore en elle un espace de possibles, et de mondes non imaginés. Elle n’a pas le dos courbé. Elle marche penchée vers l’autre, enceinte d’elle-même.’’
Et voilà! Taimaa.
Nicole Dumont
La fille d'avant
J.P. Delaney
Ce roman est un thriller psychologique envoûtant. Il nous raconte l’histoire de deux femmes qui ont une relation avec le même homme au passé trouble, à des périodes différentes. Le tout se déroule dans une maison épurée, équipée d’une technologie avancée et dessinée par un architecte énigmatique qui impose des règles draconiennes à ses locataires.
Les chapitres sont très courts et on y lit en alternance ce qui est arrivé avant, avec l’une et ce qui se passe maintenant, avec l’autre.
J’ai lu plusieurs ouvrages de cet auteur et ils sont tous très accrocheurs. J. P. Delaney est son nom de plume. Il a aussi à son actif plusieurs romans à succès publiés sous les noms de Tony Strong et Anthony Capella.
Suzanne Carmichael
Le goût du bonheur
Marie Laberge
Ce n’est pas une oeuvre récente, mais je l’ai lue récemment. En effet, Marie Laberge a écrit cette trilogie il y a à peu près vingt ans. Le coffret est sorti pour souligner les 45 ans de carrière de l’auteure.
C’est une série historique à la Marie Laberge, c’est-à-dire, d’excellents romans dans un contexte historique. J’y ai retrouvé les sociétés de mes parents et grands-parents, entre 1930 et les années 1960 et ce à quoi ils ont été confrontés.
Les personnages sont passionnés et sont loin de suivre les règles rigides du Québec des années 30. On vit à Montréal et on passe les étés à l’Île d’Orléans jusqu’au moment de la guerre. On y côtoie la haute société tant anglophone que francophone; les gens dans le besoin comme le monde de la haute couture.
Vous en aurez pour les mois d’hiver, carcar chaque tome contient autour de 800 pages. Vous m’en parlerez!
Louise Carter
Le temps où nous chantions
Richard Powers
C’est une chronique familiale située dans la lutte au racisme aux États-Unis. Relatant des évènements qui alternent entre 1940-1950 et 1980, où les conflits raciaux changent de visage selon la couleur de la peau et le côté où se trouvent les personnages, ce roman reste d’actualité.
Un homme juif d’origine allemande, enseignant les maths quantiques à l’université, rencontre et épouse une afro-américaine issue d’une descendance esclave.
Ils ont trois enfants dont on suit le parcours musical et social et qui subissent le contrechoc de ce métissage fragile, mais combien attachant.
Roman qui secoue à travers la narration, par un des fils, de petites situations du quotidien et les grandes décisions à prendre pour la suite de la vie.
Le temps passe, mais les choses changent très lentement.
Andrée Beaumier
Une bourgeoise d'exception : la femme derrière les Jardins de Métis
Pauline Gill
Pauline Gill nous présente une autre fiction historique. Elle nous fait découvrir une femme audacieuse, en avance sur son temps, Elsie Reford. Alexandre Reford, directeur des Jardins des Métis, lui a donné accès aux archives de son arrière-grand-mère. L'autrice n'attendait que cette autorisation pour rédiger ce roman biographique. La romancière aborde les premières années de la vie d'Elsie dans la ville de Perth, en Ontario. Le déménagement de la famille à Montréal, en 1882, amènera de grands changements. On y découvre la bourgeoisie et l'ambiance du Mille Carré. Le père d'Elsie, Robert Meighen, est un commerçant et un industriel prospère.
À 17 ans, la jeune fille s'expatrie en France et en Allemagne pour parfaire l'apprentissage des langues. À son retour au pays, elle épouse Robert William Reford, l'amour de sa vie.
Elle pratique des sports, souvent réservés aux hommes: l'équitation, la pêche, la chasse. Féministe, elle se donne les libertés que les femmes de son époque n'avaient pas. Femme engagée, elle fonde, avec Julie Drummond, le Women's Canadian of Montréal, le premier club de femmes au Canada. Amour des arts, engagements politiques, dévouement pour les causes humanitaires remplissent sa vie.
Elle fonde, à 54 ans, les Jardins de Métis, domaine hérité de son oncle George Stephen. Elle consacrera 40 ans à cette aventure. Elle devient une spécialiste en horticulture. Elle décède en 1967 à l'âge de 95 ans.
Pauline Gill termine son roman par une phrase de l'arrière-petit-fils d'Elsie: « Le paradis d'Elsie s'est bien transformé en un éden public. »
L'autrice nous entraîne avec elle dans un univers à plusieurs facettes. Bonne lecture! Des heures de plaisir.
Nicole Viau
Comité des femmes
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes
Lionel Shriver
Le dernier roman de Lionel Shriver, Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes, raconte une étape de vie dans l’histoire du couple de sexagénaires, Serenata et Remington. Serenata, qui a toujours été active, est maintenant confrontée à des problèmes d’arthrose sévère aux genoux et doit modifier ses habitudes. Quant à Remington, son mari, le sédentaire du couple nouvellement retraité, il décide de courir un marathon. L’équilibre établi dans le couple au cours des précédentes décennies est chamboulé et le couple traverse un période difficile. Finalement, ils retrouveront leur sérénité personnelle et celle de leur couple lorsque devenir vieux ne sera plus un problème et qu’ils y trouveront même des avantages.
L’autrice nous livre cette fois ses réflexions sur le vieillissement et sur le culte de l’entraînement avec son écriture dense, ses mots incisifs et ironiques.
Son récit plein de dérision mais aussi de profondeur m’a procuré un réel plaisir de lire.
Raymonde Lachapelle
Comité des femmes
La petite patrie en images
Claude Jasmin
Au printemps dernier, nous a quittés l’écrivain montréalais Claude Jasmin qui a marqué notre imaginaire par ses écrits urbains. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a fait des études aux Beaux-Arts et qu’il avait pour ambition de devenir peintre.
En 2003, il a fait publier aux Éditions du Lilas l’album La petite patrie en images, une série de récits très courts et de dessins de l’auteur. Il y présente ses souvenirs d’enfant des années 1940-1950, en nous faisant voir des personnages hauts en couleur: marchands ambulants, commerçants du quartier, « guenillou », gardien de patinoire. En peu de mots, toujours tendre et précis dans sa volonté de décrire le modeste décor de Villeray, avec ses ruelles typiques, le bonheur de ses 10 ans.
Des souvenirs qui remontent... une lecture attachante.
Andrée Beaumier
Têtes chercheuses
Florence Meney
Depuis plus d’un an maintenant, vous avez sûrement écouté les propos de la Dre Caroline Quach-Thanh et de la Dre Joanne Liu, toutes deux de l’Hôpital Sainte-Justine; puis de Sonia Lupien, docteure en neurosciences et grande spécialiste du stress humain, et de Mona Nemer conseillère scientifique en chef du Canada. Ces femmes sont justement parmi les Têtes chercheuses que Florence Meney nous fait connaître dans son livre. Vingt femmes de sciences sont présentées.
Vingt femmes qui oeuvrent dans un monde d’habitude réservé aux hommes. Vingt femmes passionnées. Vingt femmes qui travaillent au Québec.
Elles sont issues de cultures différentes, de milieux variés, pas nécessairement scientifiques, parfois modestes.
On apprend qu’elles sont curieuses, déterminées, innovatrices. Elles amènent un regard nouveau dans un monde parfois assez rigide; elles brassent les pratiques.
Ces femmes partagent leur cheminement souvent sinueux, l’objet de leur curiosité d’enfant, l’apport d’un mentor et ce qui a allumé la mèche de leur passion, entre autres.
J’ai été touchée par le partage de ces femmes, par leur candeur. J’ai aussi été impressionnée par leur optimisme et leur persévérance
De quoi animer des conversations avec des jeunes de votre entourage? Qui sait, cela encouragera peut-être une petite curieuse.
Louise Carter
Vieillir avec panache
Jocelyne Robert
Cette lecture m’a apporté
beaucoup, beaucoup de bonheur.
Fraîcheur et agilité dans l’écriture.
Ce fut pour moi un très bon moment,
surtout en ces temps de pandémie.
Jocelyne Robert écrit ce livre sous
« l’impulsion de l’indignation ».
Elle affirme d’entrée de jeu que son
cri est un cri du coeur... silencieux...
que la pandémie de Covid-19 a
libéré.
Comme société, nous devons nous poser plusieurs questions sur la façon dont ont été traités les vieux et les vieilles. D’utiles au bénévolat et sur le marché du travail, ils deviennent inutiles socialement d’un coup. Pendant des mois et des mois, on a « catégorisé » les gens selon leur âge. Cela a eu un effet certain sur la vision de nous-même et des autres.
Son livre déboulonne les préjugés et tous les « clichés » associés au vieillissement. Ça fait du bien d’avoir un autre point de vue que celui que la société nous renvoie depuis longtemps. Elle nous pousse à modifier notre regard sur ce moment de notre vie. Dans ces temps troubles, cette lecture m’a donné un second souffle. Sa définition des générations est très intéressante, pertinente et même amusante!
J’aimerais vous citer, ici, Marguerite Yourcenar, citation qu’elle utilise comme introduction à son livre :
Dans les moments de fatigue, j’ai un siècle.
Dans les moments de travail intellectuel, j’en ai 40,
dans les sorties, jeux avec le chien, j’en ai quatre.
Le bel âge, pas pour des raisons sentimentales mais à cause des yeux tout neufs et des sens tout neufs.
Vieillir avec panache est un point de vue enrichissant sur l’année difficile que nous venons tous et toutes de vivre, quel que soit notre âge, en rétablissant le vieillissement comme faisant partie de la vie.
Douce et belle lecture qui vous fera sourire. Pour ma part, j’ai même ri aux éclats plusieurs fois. Cela fait tellement de bien!!!
Nicole Dumont
J'ai encore menti!
Gilles Legardinier
Un sujet sérieux traité avec beaucoup d’humour!
L’héroïne, Laura, est à une période de sa vie où les remises en question et la recherche d’un compagnon de vie s’apparentent au parcours du combattant. Elle travaille au service social de sa ville et son désir d’aider les autres l’amène à consacrer son congé du mercredi après-midi à aider ses collègues et amies avec leurs enfants. Il faut dire, qu’auparavant, ces pauses hebdomadaires à « repenser sa vie » ne faisaient qu’accroître son angoisse. Lors d’un après-midi avec Coralie et ses enfants, Laura a un accident qui efface complètement sa mémoire. Elle devra alors redécouvrir le monde qui l’entoure et son quotidien. C’est à travers les situations les plus incongrues et sans à priori qu’elle apprendra à se définir et deviendra finalement la « vraie Laura ».
Céline Lachapelle
Elles ont fait l'Amérique tome 1
Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque
Serge Bouchard nous a quittés
dernièrement,
mais
sa voix littéraire
est
là pour rester.
Quand j’ai appris son décès, je
lisais justement avec grand intérêt
son ouvrage Elles ont fait l’Amérique
qu’il a écrit avec sa conjointe
Marie-Christine Lévesque.
On y rétablit la mémoire de quinze femmes pour la plupart inconnues: inuites, canadiennes, anglaises, françaises et métisses. En parcourant ces récits, on apprend énormément de faits sur l’Histoire de l’Amérique.
Marie-Josèphe dite Angélique est une esclave noire d’Albany « achetée » par monsieur de Francheville, un notable de Montréal, vers 1730. Suite à un concours de circonstances et à un long procès, Marie-Josèphe est accusée d’être à l’origine de la conflagration de 1734 qui détruisit une partie de Montréal. J’ai été stupéfaite d’apprendre qu’à cette époque des notables, des officiers et même des gens d’église possédaient leurs propres esclaves. L’historien Marcel Trudel a très bien documenté ce fait dans Deux siècles d’esclavage au Québec paru en 2004.
J’ai parcouru cet ouvrage de façon aléatoire et à chaque fois j’étais fascinée par ces femmes. Marie Brazeau, cabaretière dans les années 1680 est une audacieuse entrepreneure pour ne pas dire « entreprenante ». Elle reçoit des militaires, des coureurs des bois et des amérindiens dans son lucratif cabaret clandestin de la rue Saint-Paul. Émilie Fortin-Tremblay du Lac Saint-Jean épouse un prospecteur d’or. Elle accompagne son mari Pierre Nolasque Tremblay dans toute l’aventure du Klondike, vers les années 1900. La vie de nomade et les grandes distances à parcourir ne la rebutent pas: leur voyage de noces est un grand périple à pied de 5000 km jusqu’au Yukon.
Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque ont su nous donner leur version de l’histoire et éclairer le visage de femmes « oubliées », mais néanmoins héroïnes, pionnières, diplomates et artistes. À lire à petites doses en sirotant votre limonade préférée.
Louise Tessier
Metropolis
Philip Kerr
Metropolis est un roman
policier historique de Philip Kerr
publié en 2019 à Londres par les
éditions Quercus. Paru après la mort
de son auteur, le livre relate les
débuts de Bernie Gunther. Cette
première enquête se situe à Berlin
en 1928. Il s’agit du dernier des
quatorze volumes mettant en scène
ce détective que j’ai tous lus avec
plaisir.
En 1928 donc, Bernie Gunther travaille à la préfecture de police de Berlin. Vétéran (physiquement) indemne de la Première Guerre mondiale, il est devenu un policier désabusé dans l’univers glauque de la république de Weimar. En quelques années, son travail efficace lui a permis d’intégrer la Kriminalpolizei.
Bientôt, Bernhard Weiss, son chef à la police criminelle, le charge d’enquêter sur le meurtre de quatre supposées prostituées, dossier que les autorités traitent avec la plus totale indifférence, d’autant plus que la première de ces victimes est juive. L’intérêt de Bernie pour cette affaire surprend les nazis qu’il côtoie dans son équipe. Ceux-ci prennent déjà beaucoup de place : les partisans de Hitler commencent en effet à infiltrer « l’Alex », autrement dit le siège de la police sur Alexanderplatz.
Mais une autre jeune femme est assassinée. Or, elle se trouve être la fille d’un caïd de la pègre, déterminé à traquer le coupable et lui faire passer un mauvais quart d’heure.
Et voilà que se produit une nouvelle série d’homicides : des mutilés de guerre disparaissent à leur tour. Ces anciens combattants qui mendient un peu partout dans les rues de la capitale ressemblent fort à des témoins gênants : ceux d’un passé peu glorieux dont certains voudraient se débarrasser. En effet, l’aube ne va pas tarder à se lever sur le Troisième Reich.
Les personnes qui connaissent le cinéaste Fritz Lang et qui ont vu son film intitulé M le maudit auront droit à une dose de plaisir supplémentaire.
Richard Lépine
La vie mensongère des adultes
Elena Ferrante
« Deux ans
avant qu’il ne
quitte la maison,
mon père déclara
à ma mère que
j’étais laide. »
Elena Ferrante
commence La vie mensongère
des adultes par cette phrase
choc.
Giovannia, douze ans, choyée et aimée, a surpris cette conversation entre ses parents. Son père la compare à Zia Vittoria, une tante de réputation douteuse. L’adolescente, bouleversée par ces paroles, sent le doux cocon dans lequel elle vit se briser.
Elle part à la rencontre de cette tante mystérieuse qui habite un quartier pauvre de Naples. Elle découvre un monde très différent de celui des hauteurs de Naples, qu’elle connaît.
Sa tante l’incite à ouvrir les yeux sur les mensonges et hypocrisies de la vie des adultes. La vie de Giovanna bascule dans l’incertitude, les désillusions et parfois les pensées dévastatrices. L’autrice décrit avec justesse cette période instable entre 12 et 17 ans.
Le récit est raconté à la première personne. L’écrivaine revisite ses thèmes favoris : l’amitié, les luttes sociales, la loyauté, la trahison, l’émancipation féminine.
Un bracelet qui passe du poignet d’un personnage féminin à un autre relie toutes les femmes du roman et joue un rôle important. L’autrice nous laisse sur une fin ouverte. Nous ménage-t-elle une suite?
Netflix a déjà acheté les droits du roman. À suivre …
Nicvole Viau
Les sept soeurs
Lucinda Riley
Un mystérieux et riche homme d’affaires adopte sept filles dans différentes parties du monde. Une vingtaine d’années plus tard, il décède, laissant à chacune une lettre recelant des indices pour retrouver sa famille biologique.
La saga « Les sept soeurs » comporte sept tomes totalisant 4500 pages de pur plaisir. Chaque tome est dédié à une soeur en particulier, nous dévoilant sa personnalité et ses aspirations.
Cette lecture vous apportera des heures de plaisir à découvrir les liens de la famille, les affinités et les différences. Il me reste à lire le tome 7, paru en juin, pour connaître finalement la conclusion de cette saga si attachante.
Suzanne Carmichael
Un café avec Marie
Serge Bouchard
Il vous plairait d’apprendre de quoi
se souvient une poussière d’étoile, de
retrouver le jeu de celui qui portait le
chandail numéro 14 du Canadien à
l’époque où cette équipe n’essayait
pas de faire les séries mais gagnait la
coupe, tout simplement? L’importance
du méchant Pan Pan (toujours le vainqueur)
vous intrigue? Où se situe le
village de La-Déception-des-Portes-del’Enfer?
Ça existe?
Demandez à Serge Bouchard, il nous
raconte tout cela dans Un café avec
Marie.
Richard Lépine
Kukum
Michel Jean
À la fin de sa vie, grand-mère (KUKUM, en langue innue) Almanda Siméon revisite son passé. Elle nous livre son histoire,
celle d'une orpheline québécoise qui, à 15 ans, tombe amoureuse d'un jeune Amérindien. Elle quittera sa famille adoptive
pour partager sa vie avec lui et celle des Innus de Pekuakami (l'immense lac Saint-Jean), apprenant l'existence nomade et
brisant les barrières imposées aux femmes autochtones. Elle voudra apprendre à chasser et suivre son amoureux au lieu
d'attendre son retour de la chasse.
Ce roman relate, sur un ton intimiste, la vie d'une femme éprise de liberté et la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l'Amérique et les conséquences, encore actuelles, de la sédentarisation forcée.
Son auteur, Michel Jean, descendant direct d'Almanda Siméon nous révèle une écriture sensible, imagée et paisible. Une belle lecture qu'on aimera répéter parce qu'elle fait du bien à l'âme.
Nicole Dumont
Comité des femmes
Atuk, elle et nous
Michel Jean
Atuk, elle et nous est une réédition (2021)
revisitée de Elle et nous paru en 2012. L'auteur retrace la vie de sa grand-mère Shashuan Pelishish (Hirondelle en innu), fille d'Almanda et
de Thomas Siméon. « Atuk, c'est le nom de famille de Siméon en innu », explique Michel Jean. Le récit entremêle deux voix : la sienne
(Lui) et celle de sa grand-mère (Elle). Deux mondes : celui de l'auteur à notre époque et celui de sa grand-mère Jeannette au fil de sa vie.
Le récit traverse la région du Lac Saint-Jean entre les bords du grand lac Pekuakami où les Innus passent leurs étés, et le lac Péribonka, plus au nord, où se trouvent leurs territoires de chasse et de trappe hivernaux. Elle décrit la vie des Innus dans les bois, les techniques de chasse et les relations familiales. Les descriptions des grands espaces et de la forêt nous transportent dans ces lieux.
Sa grand-mère choisira, à 17 ans, le monde des Blancs par amour pour François-Xavier Gagnon. Elle s'établira avec lui à Alma et fera le dur apprentissage de la vie domestique. Elle deviendra peu à peu Jeannette Gagnon. À cette époque, une Innue qui mariait un Blanc perdait son statut et était rejetée par sa communauté : sept ans d'exil avant de revenir à Pointe-Bleue.
Dans les passages où Michel Jean prend la parole, on sent la recherche de son identité, le désir de connaître ses origines et surtout le respect et l'amour pour sa grand-mère. « Michel, l'indien, tu l'as en toi. » Cette phrase de sa cousine prend toute sa signification pour l'auteur.
Nicole Viau
Comité des femmes
La Pension Caron, tome 2
Jean-Pierre Charland
Je me laisse quelquefois tentée par des romans historiques québécois surtout si l’intrigue se passe à Montréal. Jean-Pierre Charland est un auteur prolifique dans ce genre d’ouvrage.
Vers la fin des années ‘30, les pensions de famille servaient de lieu de transition entre la campagne et la ville. La Pension Caron nous en apprend beaucoup sur les mœurs des femmes de cette époque. Constance, mère célibataire, vit avec la honte constante de son statut et élève son fils chez sa mère. Précile Caron, propriétaire de la pension, est surveillée et agressée par son ex-fiancé Edmond Tourigny. Elle se confie au curé de la paroisse et non à la police. C’est une pratique courante de l’époque. Jeanne Trottier vit une “séparation de corps” depuis que son mari l’a violentée et lui a fracturé un bras. La honte l’habite elle aussi et heureusement que Précile lui offre du travail à la pension.
Il se passe également des histoires captivantes dans ce roman. On suit l’évolution amoureuse de Lucina et Irénée qui travaillent chez Dupuis Frères : rencontre à la messe du dimanche, dîner au resto et cinéma. Cédulie Caron veuve de 52 ans courtise son Hermas et l’épouse en 2e noces. L’auteur multiplie les détails croustillants et nous tient en haleine tout au long du roman. J’ai hâte de lire le troisième tome… on s’attache vraiment aux personnages.
Bonne lecture !
Louise Tessier
Comité des femmes
Au-delà du pouvoir
Élyse-Andrée Héroux
Au-delà du pouvoir est un écrit par Élyse-Andrée Héroux, à partir des confidences de Pauline Marois.
Cette dernière raconte avec simplicité, lucidité et fluidité ses origines modestes et les moments forts de sa vie. Elle lève le voile sur les deux côtés du pouvoir politique, les enjeux soulevés, les combats à mener. Elle occupera plusieurs postes avant de devenir la première femme à être élue première ministre du Québec. Elle souligne l’importance du soutien de sa famille et des complices de longue date.
Femme d’engagement, sa contribution à la vie publique a été très importante. À travers son parcours, c’est un survol des cinquante dernières années de notre histoire politique que nous faisons.
Nicole Viau
Comité des femmes
Faire les sucres
Fanny Britt
En vacances à Martha's Vineyard, Adam fonce accidentellement sur Celia en surf et lui brise le genou. Il en ressort traumatisé et convaincu d'avoir failli mourir. Sa vie bascule... Il délaisse peu à peu son statut de chef cuisinier-vedette... se désintéresse de sa conjointe Marion... a des faiblesses momentanées... Il pense retrouver un équilibre en devenant propriétaire d'une cabane à sucre. Il s'accroche à sa nouvelle vie qui lui
apporte un bien-être passager. J'ai apprécié ce passage dans l'érablière : tarte au sucre, sirop d'érable... '' un liquide tiède, onctueux a
parcouru les veines d'Adam atteignant toutes les veines de son corps ''. Ça m'a donné le goût d'une petite cuillerée de sirop d'érable.
Sa vie de couple se dégrade. Marion, sa conjointe, s'éloigne de lui en multipliant les aventures amoureuses. Presque tout le roman est centré sur eux.
Vers la fin, on retrouve Celia, la jeune fille blessée. Quel contraste : pour elle l'accident se résume en une dislocation du genou alors que pour Adam c'est une dislocation de toute son identité.
J'ai lu avec un intérêt soutenu ce deuxième roman de Fanny Britt. J'y ai retrouvé des éléments familiers : chef cuisinier vedette, intérêt pour les produits locaux, Oka... J'ai appris que c'est un roman choral : divers points de vue sur un même sujet.
Bonne lecture!
Louise Tessier
Comité des femmes
Charlotte
David Foenkinos
Je vous propose la lecture de CHARLOTTE de David Foenkinos. Ce roman s'inspire de la vie de Charlotte Salomon, jeune artiste peintre morte à 26 ans alors qu'elle était enceinte. Exclue par les nazis de toutes les sphères de la société allemande et se sentant en danger, elle s'exile en France où elle confie à son médecin ses dessins qui racontent toute sa vie. Foenkinos s'approche plus, ici, de l'écriture poétique que de l'écriture romanesque. Une découverte pour moi chez cet auteur. Une belle lecture.
Nicole Dumont
Comité des femmes
Dans son ombre
Christine Brouillet
Dans son ombre, Christine Brouillet nous présente « des personnages qui sont dans l'ombre, des personnalités narcissiques qui ne souffrent pas que les autres soient dans la lumière, applaudis et admirés » comme elle les décrit elle-même.
Au début du roman, l'autrice nous familiarise avec une famille bourgeoise. Martin Charette, le père, est un homme politique bien connu à Québec. La mère, Laure Genest, abandonne son travail à la naissance des jumelles, Alizée et Lili-Rose. Christine Brouillet campe bien les personnages.
L'action se déroule sur une quinzaine d'années... puis arrive le drame. La première fugue d'Alizée, suivie par d'autres, déclenchera une succession de péripéties. Les parents ne semblent pas trop s'inquiéter pour leur fille. Lili-Rose cache des faits pour protéger sa soeur jumelle. Maud Graham et son équipe entrent en action. L'intrique bifurque vers d'autres chemins. Deux enquêtes se chevauchent : la disparition subite de Sacha Walters avec qui Martin a eu une liaison et la mort mystérieuse d'Alizée. D'autres personnages se mêlent au récit à divers niveaux. La situation se corse et l'enquête défile à un rythme accéléré.
La lecture de cette 18e enquête de Maud Graham et de ses partenaires m'a procuré des heures de plaisir. Christine Brouillet maintient notre intérêt jusqu'à la fin.
Nicole Viau
Comité des femmes
La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules
Philippe Delerm
Trente-quatre plaisirs minuscules d'une ou deux
pages. On choisit de lire au gré de nos humeurs : L'odeur des pommes, Lire sur la plage, Le dimanche soir, Le
pull d'automne, Les boules de verre...
Philippe Delerm sait créer des atmosphères et décrire une situation en prenant des angles très personnels. Dans Le dimanche soir, j'ai clairement reconnu le blues que je ressentais quand j'enseignais. On pourrait comparer ses mini récits aux petites touches d'un tableau impressionniste. À votre tour de plonger dans votre bibliothèque pour
Louise Tessier
Comité des femmes
Le meurtre du Commandeur
Haruki Murakami
Le meurtre du Commandeur, de Haruki Murakami est un roman déstabilisant. Le titre portant le nom d'une toile peinte et retrouvée dans le fin fond d'un grenier sera le point de départ d'une aventure incroyable. Plongé.e.s dans une ambiance mystérieuse et artistique, les lecteurs et lectrices y trouveront une écriture fluide et très imagée. ''Peut-être un jour serais-je capable de faire le portrait du rien''. Deux tomes pour une odyssée initiatique étrange, inquiétante, envoûtante. Le maître Murakami nous dévoile ses obsessions les plus intimes.
Nicole Dumont
Comité des femmes
Un petit carnet rouge
Sofia Lundberg
Ce roman sans prétention, Sofia Lundberg l’a écrit à
partir d’un carnet d’adresses rempli de noms inconnus
et pour la plupart rayés, ayant appartenu à sa grandtante
Doris.
Chacun de ces personnages nous révèle un pan de la vie de Doris qui, à 96 ans, vit seule à Stockholm loin de son unique parente, sa petite-nièce Jenny résidant aux États-Unis. En revisitant son petit carnet rouge commencé en 1928, Doris reprend le fil de sa vie et nous entraîne dans une saga sur plus d’un continent. Femme de tête, elle a toujours su faire face à son destin et, ce, même à la fin de sa vie. De nature indépendante et toujours prête à s’affirmer, elle le restera tout au long de sa vie.
Céline Lachapelle
Ta mort à moi
David Goudreault
Il ne faut surtout pas juger du livre à partir du seul
titre.
Marie-Maude Pranesh-Lopez, c’est le nom de l’héroïne, improbable à l’excès, une crise existentielle mur à mur.
Elle est « incroyablement laide et sexy » et, avec elle, nous vivons les plus incroyables imbroglios, les passions les plus prodigieuses, les tragédies les plus tordues. Adulée comme poétesse (best seller mondial!!!), elle est malheureuse et entourée d’une famille dont les membres se disputent le titre de tête de cochon : c’est à qui pourrait le plus demeurer dans l’erreur et s’entêter dans l’errance. Ils sont liés par un impossible deuil. La résilience, connais pas.
L’auteur, David Goudreault est slameur et travailleur social. Il vient de nous pondre, ici, son quatrième roman dont la verve continue d’étonner et de réjouir. Ses trois premiers romans, bien accueillis, ont pour le moins dérangé. Son quatrième est acclamé. Chez Stanké.
Richard Lépine
La poésie québécoise
Michel Mailhot et Pierre Nepveu
Après quelques semaines de confinement et plusieurs
heures de lecture et de réflexion sur la COVID-19, j’ai
eu envie de sortir des sentiers battus. J’ai exploré un
volet de la littérature souvent oublié dans nos suggestions
de lecture : la poésie.
En furetant dans les rayons de la bibliothèque, mon regard s’est arrêté sur un bouquin un peu en retrait : La poésie québécoise – Des origines à nos jours. Publiée pour la première fois en 1981, Michel Mailhot et Pierre Nepveu ont revu à fond cette anthologie dans la réédition de 2007. Les auteurs l’ont augmentée d’une cinquantaine de nouveaux poètes: hommes et femmes en nombre presque égal. Une place importante est accordée aux poétesses et poètes contemporains qui ont publié entre les années 1980 et 2000. Le parcours de quatre siècles en poésie de langue française au Québec est très enrichissant.
Comme dans un jardin, j’ai erré parmi la multitude de textes et me suis offert un bouquet bien garni et multicolore. Cette exploration m’a ramenée des années en arrière et m’a rappelé mes cours de littérature. Pour moi, revisiter la poésie a été une aventure apaisante.
Libre à vous de tenter l’expérience... Bonne lecture!
Nicole Viau
Les maisons
Fanny Britt
Fanny Britt, invitée régulière à l’émission de Marie-
Louise Arsenault à la radio de Radio Canada, porte
plusieurs chapeaux : dramaturge, essayiste, auteure
jeunesse; et maintenant romancière avec Les Maisons.
Tessa est agente d’immeuble; donc des maisons, elle en visite. Mais dans trois jours, elle va rencontrer un homme qu’elle a déjà connu et qui va la pousser à faire le tour de sa maison intérieure. On y ira avec elle pour revisiter son passé dont une facette qu’elle croyait réglée ne l’est pas; un certain malaise existe même si tout va bien dans sa vie.
Cette rencontre l’amène à faire le bilan de sa vie : son présent n’est pas réellement ce qu’elle s’était imaginé lorsqu’elle était plus jeune. Que doit-elle en conclure?
Les Maisons est un roman touchant sur l’amour et la transformation, drôle par moments et plein de lumière.
Louise Carter
L’énigme de la chambre 622
Joël Dicker
Ce tout récent roman de Joël Dicker est une belle
lecture d'été. Drôle, léger et amusant, ce roman avec
ses rebondissements incessants, devient rapidement très
intriguant…
Une enquête policière dans les Alpes suisses qui n'a jamais été résolue refait surface et entraîne notre écrivain, simplement parti en vacances au Palace du Verbier, à finalement se plonger dans cette affaire avec l'aide d'une femme mystérieuse rencontrée dans ce même hôtel.
On vivra au coeur de la ville natale de l'auteur une histoire époustouflante dans une Suisse pas si calme que ça. Sur fond de magouille bancaire, de services secrets, de jeux de pouvoirs, de coups bas, de trahison et de jalousies, que s'est-il vraiment passé dans cette fameuse chambre 622 ?
Je retourne à ma lecture pour en connaître la fin...
Nicole Dumont
L'amie prodigieuse
Elena Ferrante
Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier
défavorisé de Naples des années cinquante. Ce premier
tome d’une tétralogie nous introduit dans leur petite
enfance de six à quinze ans.
En lisant ce roman autobiographique, je faisais constamment des parallèles avec mon vécu des années cinquante. C’était l’époque des « chouchoux » dans les classes comme l’a vécu Lila. Je me souviens d’une fin d’année où je quittais avec une avalanche de prix et mes amies repartaient avec seulement leur sac d’école. De six à 12 ans, je partageais une amitié assez intense avec mon amie Micheline Bouchard. Comme Lila et Elena nous avons évolué dans un milieu pauvre, celui de Ville Jacques-Cartier où la violence de certaines familles nous faisait peur.
Voilà en quelques mots pourquoi j’ai dévoré ce roman à l’écriture addictive.
L’autrice derrière le pseudonyme d’Elena Ferrante tient absolument à rester dans l’ombre et refuse la publicité et les apparitions télévisées. Elle est notre Réjean Ducharme québécoise. Louise TessierLouise Tessier
La cuisinière d'Himmler
Franz-Olivier Giesbert
Rose ne supporte pas les gens qui se plaignent. Or, il n’y a que ça, sur cette terre. C’est pourquoi elle a un problème avec les gens. Dans le passé, elle aurait eu maintes occasions de se lamenter sur son sort mais elle a toujours résisté à ce qui a transformé le monde en grand pleurnichoir. L’auteur nous dit : « Ce n’est ni un roman policier ni un roman historique ! Mais c’est vrai, c’est un roman qui se passe au XXe siècle, encore tout chaud dans ma tête, d’autant plus que je suis obsédé, comme beaucoup d’autres, par la Seconde Guerre mondiale, dont parlaient souvent les membres de ma famille qui avaient combattu dans leur jeunesse. Pour raconter cette période épouvantable, je me suis inspiré de gens et d’amis qui ont traversé cette époque et dont je me suis toujours étonné de voir l’insouciance, la bonne humeur, parfois le rire. J’ai écrit en agglomérant des petits bouts d’expériences que j’ai pu avoir ici ou là, des souvenirs, des propos entendus. » Rose, la narratrice plus que centenaire, est un personnage drôle, loufoque et très résilient, jamais rien ne l’abat, elle rebondit toujours. Elle est l’incarnation de la formule de Nietzsche « Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ».
Cette joyeuse survivante du génocide arménien va où elle a envie d’aller, aime qui elle a envie d’aimer… et tue qui elle a envie de tuer. On peut très bien s’identifier à elle dans son refus d’être enfermée et sa façon d’aller à contre-courant !Évidemment, sa façon expéditive de régler ses comptes peut choquer, tout comme son éloge de la vengeance. Après tout, elle ne fait que respecter les commandements de la Bible, « œil pour œil, dent pour d… » ! Et elle a une petite salamandre comme animal de compagnie… On peut parler d’un roman ludique, à la fois hymne à la vie et pied de nez à l’âge.
Richard Lépine
QuattrocentoEn 1417, Poggio Bracciolini, plus tard appelé Le Pogge, part sur les routes à la recherche de textes antiques. Il est relativement libre de ses mouvements car sans emploi depuis la déposition de l’antipape Jean XXIII (nom repris par Angelo Giuseppe Roncalli lorsqu’élu pape le 28 octobre 1958).
En Allemagne, il découvre un manuscrit du «De rerum natura » de Lucrèce, poème dont la diffusion permet une redécouverte du matérialisme antique. Et si la Renaissance était née de ce livre ? Un livre perdu, connu par fragments, recopié par quelques moines et retrouvé par un bibliophile passionné et copiste hors pair de manuscrits anciens. Amant des arts, il avait écrit des Facéties grivoises et était père de dix-neuf enfants. Il n’aimait pas l’Église mais avait été secrétaire d’un pape diaboliquement intelligent et corrompu.
En découvrant, copiant et diffusant l’œuvre de Lucrèce qui avait eu l’intuition géniale que le monde était fait d’atomes en mouvement, qui s’entrechoquent au hasard, se séparent et se rencontrent à nouveau, le Pogge a bouleversé le Moyen-Âge finissant.
Conteur né, érudit et brillant, Stephen Greenblatt emporte le lecteur au coeur de ce Quattrocento qui fit revivre l’Antiquité pour la porter jusqu’à nous. Chez Flammarion.
Prix Pullitzer 2012.
Richard Lépine
Le sel de la terre « En l’état actuel du discours social, la classe moyenne inclut tous les gens qui ne sont pas pauvres comme Job ni riches comme Crésus. Ce n’est pas exactement un club sélect. »…
« Les sociologues et les économistes définissent la classe moyenne par un niveau de vie; elle se définit elle-même de l’intérieur, d’abord par sa capacité de dépenser et par sa manière de dépenser : à crédit. Les pauvres ne peuvent pas s’endetter, les riches n’ont pas besoin de le faire, la classe moyenne roule sur ses marges. »
Ces citations tirées de ce court essai laissent présager la disparition à court ou moyen terme de la dite classe moyenne mais sous forme d’une Apocalypse en 36 versements…
Un ton de confidences tranquilles, des anecdotes très justes, de lecture agréable malgré le sujet : 85 pages tout juste.
Richard Lépine